L’expression « suprématie quantique » (ou avantage quantique) fait référence au nombre de qubits (bits quantiques) au-delà duquel plus aucun superordinateur classique ne peut rivaliser avec un ordinateur quantique. La limite est en fait celle de la capacité des systèmes binaires traditionnels pour gérer la croissance exponentielle de la mémoire et la bande passante de communication nécessaire pour simuler l’équivalent quantique de la puissance de calcul.
La guerre de Qubits
La suprématie quantique est au cœur d’une guerre d’influence entre nations (en particulier entre les Etats-Unis et la Chine) et entreprises (comme Google et IBM). Or, l’une des dernières annonces marquantes vient d’une université chinoise. Avec l’ordinateur quantique optique de l’équipe de Jian-Wei Pan de l’Université des Sciences et Technologies de Chine, qui serait le plus puissant au monde. D’après deux études publiées en octobre 2021, leur ordinateur quantique « Jiuzhang 2.0 » peut résoudre un problème mathématique 10^24 fois plus vite qu’un ordinateur classique. (détails sur IEEE.org)
Selon Barry Sanders, directeur de l’Institute for Quantum Science and Technology de l’université de Calgary au Canada, le travail de cette équipe chinoise est un « tour de force spectaculaire ». D’après lui, les chercheurs chinois « dont les expériences démontrent la primauté quantique dans deux systèmes distincts, l’un photonique, l’autre supraconducteur, pourraient avoir franchi une étape difficile à remettre en question ». Nous aurions donc peut être véritablement atteint la suprématie quantique.
Une complémentarité entre binaire et quantique
Mais cette suprématie quantique ne serait pas si importante si on écoute les chercheurs d’IBM, engagés eux aussi dans des recherches sur le quantique. D’après eux les ordinateurs classiques pourront encore longtemps rivaliser avec les machines quantiques. Pour IBM « Les ordinateurs quantiques ne régneront jamais « en maître » sur les ordinateurs classiques. (…) Ils travailleront plutôt de concert, « puisque chacun a ses propres qualités ». Rappelons en effet que ordinateurs quantiques sont extrêmement difficiles à construire et à mettre à l’échelle. Ils sont aussi très sensibles au « bruit » : les interactions avec leur environnement font perdre aux qubits leurs propriétés quantiques (superposition d’états, intrication…) ce qui mène à la « décohérence quantique ». (pour en savoir plus, un article passionnant dans Techniques de l’ingénieur sur le Graal quantique : des calculateurs moins sensibles au «bruit».)
Mais même si la suprématie quantique n’est pas pour demain ses conséquences doivent déjà être envisagées. Ainsi les acteurs de la sécurité et des cryptomonnaies s’intéressent de près aux progrès des ordinateurs quantiques car leur puissance de calcul pourrait venir à bout des systèmes de cryptographie à clé publique.
Du quantique 1.0 au quantique 2.0
Enfin, n’oublions pas que les applications quantiques ne se limitent pas aux ordinateurs quantiques. Le quantique 1.0 existe déjà avec une première génération d’applications concrètes dans la microélectronique, l’optique, la photonique. Le Québec a ainsi déjà une expertise dans le domaine de la photonique, avec en 2017 des ventes de 3 Milliards de $ et 22 000 employés dans 220 entreprises. Pour en savoir plus, retrouvez notre article « Numana : Proposition de stratégie en technologies quantiques pour le Québec ».