Ce 30 septembre nous avons suivi la conférence inaugurale du Coopérathon, la plus grande compétition d’innovation ouverte au Canada. C’est la 5ème édition de cette initiative soutenue par le groupe Desjardins et ses partenaires, et la première qui sera 100% numérique dans le contexte actuel de pandémie.
A l’heure où nous écrivons cet article, plus de 1000 citoyens et citoyennes de tout le Canada se sont déjà inscrits au Coopérathon (le double de 2019). Lors d’un parcours immersif de 5 semaines, il s’attaqueront à 13 défis, avec le soutien de mentors et d’experts.
Nous suivrons l’évènement jusqu’à la grand finale le 18 novembre prochain. Mais voici déjà quelques réflexions sur l’innovation ouverte et la transformation (numérique et culturelle), issues de la toute première conférence, avec Sophie Brochu (PDG d’ Hydro-Québec) et Guy Cormier (Président de Desjardins).
La fameuse question du Pourquoi / le « Why » ?
En tant que laboratoire numérique, la démarche du Coopérathon nous intéresse à plusieurs titres. Tout d’abord, l’idée est de soutenir l’innovation, en connectant les citoyens, les communautés, les entrepreneurs, les chercheurs ainsi que les milieux académiques et institutionnels.
Ensuite, cette connexion implique des outils (comme la plateforme de collaboration Coopérathon Global, ouverte cette semaine après 4 mois de développement) mais aussi et surtout un certain état d’esprit. Une ouverture des « chakras » à l’innovation ouverte, collaborative, pour « développer, ensemble, un futur socialement responsable ».
Nous avons aussi entendu plusieurs fois la difficulté d’aller au-delà de la simple idée, aussi brillante soit-elle, pour la concrétiser. Ça prend des humains et des méthodes. Pour un Coopérathon comme pour un projet de startup ou de grande entreprise, le plus d’important finalement c’est une bonne équipe avec les bons talents !
Nous avons donc suivi 3 heures d’interventions menées tambour battant sur 3 chaînes YouTube en parallèle, et en bilingue Français-Anglais sous-titré. Un tourbillon d’idées qui forcément finissent par monter à la tête, mais c’est aussi le but de l’opération. Prendre de la hauteur, accueillir de nouvelles idées et ne pas avoir peur de rêver trop haut.
Pour voir ou revoir ces présentations sur la chaîne YouTube du Coopérathon:
Focus sur la conférence inaugurale, avec Desjardins et Hydro-Québec
L’intitulé de la première conférence était tout simplement un appel à relancer la société Canadienne. Ou plutôt profiter de la crise pour projeter le Canada vers un meilleur futur !
« Relançons une société plus résiliente, humaine et inclusive », une invitation portée par Sophie Brochu (première femme PDG d’ Hydro-Québec dans l’histoire de l’entreprise) et Guy Cormier (Président du mouvement des Caisses Desjardins).
Quels enseignements de ces 6 derniers mois, en période d’incertitude ?
Pour Mme Brochu, sa prise de poste dans un tel contexte d’urgence aura été « presque une bénédiction ». Les technologies lui ont permis d’entrer en contact vite avec tout le monde, partout au Québec, pour des « rencontres bedaine à bedaine virtuelles ».
Pour M. Cormier, cette crise rappelle que « quand on dirige une entreprise, l’un des rôles du leader est de s’assurer que son entreprise est prête à s’adapter. A quoi ? On ne sait pas à quoi ! Il faut être prêt à ! »
Il a d’ailleurs rappelé que si ces deux entreprises existent toujours aujourd’hui (Desjardins depuis 1900, Hydro-Québec depuis 1944) c’est parce qu’elles ont su s’adapter. Et trouver de nouvelles ressources aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs organisations. Le Coopérathon étant une approche d’innovation ouverte pour y parvenir.
Le président de Desjardins a aussi insisté sur l’importance d’écouter encore plus (ce qui nous rappelle le rôle de la veille dans une démarche d’innovation!). « Avec le numérique on peut parler à plus de monde, plus régulièrement, avec plus de proximité. Mais il est aussi nécessaire d’écouter encore plus ! Pour amener beaucoup de solutions, comprendre la réalité sur le terrain pour adapter rapidement les stratégies. »
Enfin, Guy Cormier est revenu sur le rôle des valeurs et de la culture d’entreprise dans le contexte actuel : « Beaucoup de décisions sont prises avec plus d’ambiguïté, moins de temps de réflexion et d’analyse, et plus de pression. C’est là que l’histoire, les valeurs et la culture prennent leur sens. Des fondamentaux de l’organisation qui sont des points d’ancrage pour prendre les bonnes décisions. Les valeurs et la culture donnent du sens à ce que l’on fait ».
Qu’est ce que la crise de la Covid a révélé sur la société québécoise ?
M. Cormier et Mme Brochu sont revenus sur les vulnérabilités mises à jour par la crise, mais aussi sur les initiatives de solidarité, la force du collectif, de notre modèle social et le rôle de l’état.
Au final, pour la PDG d’Hydro-Québec, les québécois ont peut-être aussi pris la pleine mesure des conséquences, si on ne fait rien pour améliorer notre empreinte environnementale et mener la transition énergétique. « On peut profiter du défi de la Covid pour détruire deux crises d’une pierre, avec le défi santé et le défi énergétique. »
Elle a aussi rappelé que les fondateurs d’hydro-Québec étaient « des gens pas satisfaits de la société dans laquelle ils vivaient, du manque de connections entre les régions ». Donc à l’image d’Hydro-Québec, né d’une « insatisfaction de la société », le Coopérathon est aussi le moment de nous demander dans quelle société nous voulons vivre. Et adopter une approche communautaire (pas communiste a-t-elle précisé ) pour avoir un « avenir financier magnifique mais plus logique, pérenne, et équilibré ».
Quel rôle aujourd’hui pour Hydro-Québec et Desjardins, qui depuis des décennies ont contribué à la transformation de la société québécoise ?
Mme Brochu a rappelé qu’Hydro-Québec avait été bâti par « une génération de bâtisseurs, avec une capacité d’organisation inouïe ». L’entreprise a aujourd’hui pour aspiration d’être « catalyseur de possibles, de rendre faisable ce qui apparait difficilement accessible à priori. » Prochain défi sur lequel planche le groupe : mettre en œuvre « l’innovation de bout en bout ».
Nous avons relevé à ce sujet l’analogie utilisée par Mme Brochu pour parler du rôle d’Hydro-Québec de soutenir l’innovation, au service des gens qui amènent des idées. Parce que c’est important les analogies. Cela amène une dimension émotionnelle pour créer un engagement autour d’une idée. Le défi qu’elle se donne : « Que toutes les notes de musique se trouvent une portée. Il faut que l’on chante une toune. Car des idées orphelines extraordinaires ont de la difficulté à trouver preneur ».
Avec aussi un rappel important sur ce qu’est vraiment l’innovation : « Ce n’est pas que faire de nouvelles choses, mais faire ce que l’on fait actuellement différemment. Ouvrir notre cœur aux idées ». Hydro-Québec ambitionne donc d’être le catalyseur de démarches d’innovation, au service de la transition énergétique.
Une démarche qui implique des changements de comportement profonds (aussi bien du côté de l’entreprise que du côté des consommateurs) et de réussir à concrétiser les idées : « On a des outils extraordinaires, qui sont nécessaires mais pas suffisants. Il faudra faire des choix et agir, c’est ce qui sera le plus difficile. Comment passer d’une idée à quelque chose de très concret qui va nous faire avancer. »
Pour le président de Desjardins, dans le contexte actuel le rêve du fondateur du mouvement est encore plus vrai. Alphonse Desjardins voulait rendre les québécois autonomes financièrement. Aujourd’hui Desjardins travaille plus largement sur le concept de « prospérité partagée », avec une pensée plus large que sa mission financière.
Sur son impact auprès des régions et des entrepreneurs, M. Cormier a rappelé le lancement du « Fond du Grand mouvement ». Desjardins s’est ainsi engagé à investir 150 millions de dollars jusqu’en 2024 pour appuyer des projets qui soutiennent les priorités des milieux, notamment la jeunesse, le développement durable et l’entrepreneuriat.
Comment faire de la place aux idées innovantes, issues du Coopérathon et des startups ?
La nuance amenée par Mme Brochu dans sa réponse est intéressante. Car cette question touche à « l’évolution de la culture de l’organisation ». Sa précision : « Je ne parle pas de transformation, car cela se fait sur des années, mais d’évolution, de la culture d’accueil de nouvelles façons de faire. C’est un défi pour une organisation de la taille d’Hydro-Québec, née de grand projets comme les barrages. Marier cette puissance avec l’agilité, de nouvelles façons de faire et de nouveaux outils pour permettre aux membres et clients d’avoir plus de contrôle sur leur destiné énergétique. »
Dans cette évolution culturelle, il y a la prise de conscience qu’Hydro-Québec est « un moyen, pas une finalité. Un maillon dans une chaine alimentaire plus grande. Nous prenons ce point d’appui dans notre organisation pour donner aux gens la capacité d’innover. »
Elle explique également que cette évolution implique de « se doter d’outils modernes, mais aussi d’être ouverts, et d’accepter le droit à l’erreur. Enfin il faudra consulter les jeunes, qui porteront les défis de demain. »
Enfin, le président de Desjardins est venu amener un éclairage intéressant sur ce qui permettra aux entreprise de relever les défis de notre nouveau monde. Selon lui, l’instinct restera un allié précieux pour les entrepreneurs, mais l’innovation et l’entrepreneuriat ne pourront plus être une aventure de loup solitaire. « Les défis pour les prochaines années, pas une personne seule ni un pays ou une entreprise ne pourra les relever. Il faudra travailler encore plus en équipe, collaborer encore plus ensemble. Allez chercher de l’aide. Ce n’est pas une honte ou un échec, ce n’est pas manquer d’envergure que d’aller chercher de l’aide. Car cela peut accélérer la qualité et la rapidité de la solution. »
Un message que soutient également la PDG d’Hydro-Québec, avec encore de belles analogies : « Notre souhait est de sortir de cette crise comme une société plus résiliente, pas comme un écureuil qui accumule de l’inventaire. La résilience c’est celle des réseaux. Comment sommes-nous liés entre nous, comment renforcer les liens pour être plus forts demain. (…) Nous voulons créer des liens entre les gens et découvrir en sérendipité quelque chose qui sera la richesse de ce maillage, et que ce soit ludique ».
Prochaines étapes
Nous suivrons donc la suite du Coopérathon, pour collecter et partager ce type de messages plutôt inspirants. Mais aussi pour tester la plateforme de collaboration « Coopérathon Global » et amener notre grain au moulin. Et promis, on fera plus d’efforts pour trouver nos prochaines analogies.
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