La blockchain et les NFT ouvrent de nouvelles opportunités dans le marché du jeu vidéo, avec de nouveaux modèles d’affaires et partenariats. Une tendance qui touche plusieurs secteurs alors que les frontières traditionnelles s’estompent entre les marchés du jeu vidéo, de la production audiovisuelle, de la communication et du sport. A condition que les joueurs y trouvent leur compte.
Chiffres clés sur le marché du jeu vidéo
- 3,2 milliards de personnes jouaient à des jeux vidéo en 2021 (rapport Newzoo de juillet 2021).
- 55% des joueurs sont dans la zone Asie-Pacifique, 15% au Moyen-Orient & Afrique, 14% en Europe, 10% en Amérique Latine et 7% en Amérique du Nord.
- Revenus générés : 180,3 milliards de dollars au niveau mondial en 2021, soit 20 % de plus qu’avant le début de la pandémie en 2019.
- Une croissance surtout soutenue par la tendance des jeux sur mobiles, prisés par 90% des joueurs.
Nouvelles technologies et nouveaux modèles d’affaires dans le jeu vidéo
Le marché du jeu vidéo se transforme avec l’arrivée de technologies comme l’intelligence artificielle (IA), la réalité virtuelle (VR) et la blockchain. Mais les modèles d’affaires transforment encore plus durablement le secteur. Ainsi le modèle traditionnel des jeux en « pay to play » (P2P) (payer pour jouer) a depuis les années 2000 évolué vers une plus grande variété d’approches qui multiplient aussi les possibilités de partenariats.
Le modèle du « free-to-play » (F2P) (gratuit à jouer) né au tournant des années 2010 a permis l’émergence de nouveaux jeux, financés par des revenus publicitaires et l’achat d’options et accessoires. C’est le modèle de Fortnite, lancé en 2017, qui a généré 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires dès sa première année et comptait en 2021 plus de 350 millions de joueurs (source BusinessofApps).
Autre révolution avec le modèle en « Play-to-earn » (P2E) (jouer pour gagner) qui propose aux joueurs de gagner des jetons ou de la cryptomonnaie. Un modèle qui joue sur deux ressorts psychologiques : la promesse d’une récompense et l’envie de divertissement. Les joueurs deviennent alors les acteurs d’un nouveau système économique appelé tokenomique (l’économie des jetons ou du token). C’est là que la blockchain et les NFT entrent en jeu, avec la rareté des récompenses et la possibilité pour les joueurs de voir leur investissement (en temps, efforts et budget !) dans le jeu récompensés. La dimension spéculative devient alors un élément du jeu.
Exemples de jeux en play-to-earn
Parmi les jeux exploitant ce concept du Play-to-earn, Axie Infinity (Vietnam), qui propose de collectionner des sortes de clones de Pokémon pour les faire combattre. En août 2021, 1,8 millions de joueurs s’étaient connectés sur Axie Infinity, 40% d’entre eux venant des Philippines où les salaires faibles et la crise économique liée à la Covid poussent les joueurs à explorer de nouveaux modèles économiques. Entrer dans le jeu coûterait actuellement plus de 1500 dollars, et des intermédiaires proposent même aux joueurs de leur prêter le jeu en échange de 30% de leurs gains ! (détails dans TheVerge)
Autres exemples de jeux Play-to-earn : Sorare (pour collecter des cartes de joueurs de soccer et participer à des tournois virtuels), Moonie NFT (Pologne) dont nous vous parlions dans un précédent article. Enfin, les modèles de mondes virtuels à la Second Life comme Decentraland et Somnium Space.
Zoom sur la blockchain dans le jeu
Tous ces jeux n’utilisent pas la blockchain et les NFT qui amènent un élément intéressant pour les joueurs : l’interopérabilité des jetons virtuels sur plusieurs plateformes, fournisseurs de portefeuilles de cryptomonnaie et plateformes de métavers. Cette interopérabilité permettrait de garantir les droits de propriété de ces biens virtuels et leur libre circulation et transaction.
La finance décentralisée amène aussi de nouveau modèles d’affaires avec les plateformes de prêt d’ « assets » ou biens virtuels, comme Yield Guild Games (aux Philippines). Récompense pour le prêteur : une partie des gains du jeu. Pour les développeurs, la blockchain et des NFT permettrait aussi de mieux suivre la popularité de leurs jeux ou accessoires. Pour mieux connaître leur marché et pour encoder directement un pourcentage de droits d’auteurs (royalties) dans leurs création numériques et ainsi générer un revenu complémentaire selon les transactions réalisées.
Des nouveaux modèles d’affaires qui soulèvent bien sûr des questions sur l’évolution des droits d’auteur, la taxation des gains et les moyens de contrôle.
Et surtout n’oublions pas que de nombreux joueurs ne regardent pas positivement l’arrivée des NFT dans les jeux (détails dans cet article de Vice). Car l’expérience de jeu peut être gâchée par une compétition déloyale, s’il suffit que d’autres joueurs achètent des accessoires pour devenir quasi-invincibles. De plus, certains jeux ont abusé des « loot box » (coffres d’objets virtuels) proposées à l’achat contre de la monnaie bien réelle. D’après plusieurs recherches, ces « loot box » exploiteraient directement les mêmes ressorts psychologiques que les jeux d’argent et causeraient les mêmes problèmes de dépendance. Ainsi 5% des joueurs généreraient la moitié des revenus liés à l’achat des loot boxes et dépenseraient chacun plus de 100 dollars chaque mois dans ces boîtes (détails dans cet article de la BBC relayé en avril 2021).